Urgent : trois clowns à prendre au sérieux au Théâtre de la Cité internationale !

Si Paris désert et écrasé de chaleur vous pèse, “Les clowns”, écrit et mis en scène par François Cervantès, vous seront une fraîche échappée d’humour féroce et d’humanité toute nue. Jusqu’au 3 août seulement!

Le festival Paris quartier d'été invite au Théâtre de la Cité internationale Les Clowns, de François Cervantes, qui enterrent vite fait bien fait la figure classique de nos enfances. De ces clowns nés sous la baguette de François Cervantes et sa compagnie L'entreprise, on connaissait déjà Arletti, vue la première fois dans un festival de théâtre turinois en 2002. Arletti, habitée avec une tension à couper le souffle par Catherine Gurmain, est un clown singulier, faussement naïf, tout de pointes d’acidité. Un clown poétique, au maquillage asymétrique et à l’inconstance enfantine, dont les lubies vous vampirisent. On n’oublie plus Arletti une fois qu'on l'a vue.

Jamais encore on n’avait croisé Arletti en belle compagnie. C’est quelque chose, comme on dit. Bien longtemps qu’on n’avait pas autant ri! Toutefois, si vous manque la figure du clown de votre enfance qui tape du pied, force son rire et le trait, passez votre chemin.

Ici, tout commence par un vilain bruit d’écoulement, de ceux qui s’insinuent dans un temps englué, fait de lui-même seulement, temps de l’attente, beckettien par excellence. Boudu (l’impayable Bonaventure Gacon) en est la proie. Boudu, clown dont la mise nous indique qu’il fait probablement la cloche. Boudu, bougre bourru qui cogne car il n’a pas les mots.

Boudu, donc, attend seul dans son jus alors que déboule la tornade Arletti, celle par qui la frénésie surgit. Pour Arletti, être là, c’est bavarder, titiller, chahuter à tout va quand, Boudu, lui, ne sait pas quoi faire d’autre que rigoler très fort et taper sur la table. C’est toute la question de la présence à l’autre qui nous est posée ici. En face de notre semblable -c’est parfois beaucoup dire...- faut-il forcément enclencher le discours, souvent contraint, artificiel, ou lui préférer le silence, certes gêné, mais ô combien touchant si l’on sait l’entendre? C’est nous-mêmes que nous écoutons ici sans plus voir les oripeaux de clowns...

De silence justement, le troisième de nos énergumènes, Zig, est pétri. Pétrifié d’avoir bu une goutte de lait d’un frigo inconnu. Réconforté, tel le chien, si on lui caresse le dessous des oreilles, Zig est l’inhibition même, sublimée par le subtil Dominique Chevallier. Le pauvre hère est comme bousculé de l’intérieur par le tumulte des autres qui le rend mutique.

Sa revanche? Il la prendra au théâtre! Théâtre cathartique, comme chacun sait, et avec Le roi Lear, il y a matière à honnir, répudier, bannir à jamais. Dans une débandade savamment maîtrisée par la mise en scène de François Cervantes, Arletti (le roi), Boudu (Cordelia) et Zig (Goneril), tout de bruit et de fureur, nous livrent un exercice de théâtre tordant, où le foutraque parodique le dispute au décalé burlesque. N'en disons pas plus. C’est à déguster lentement, c’est à se délecter. Une petite pièce dans la pièce, un beau morceau de théâtre!

, par Aude Brédy